Numéro |
Cahiers de l'ASEES
Volume 17, 2012
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Page(s) | 7 - 16 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/asees/2012003 | |
Publié en ligne | 3 décembre 2012 |
L’origine du fluor dans l’eau des sources de France
Un aperçu au travers des données de la base ADES
12 rue Guy de Maupassant,
45100
Orléans,
France
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Auteur de correspondance : jean.barbier@noos.fr
La présente étude est dédiée au fluor, relevé dans les petites sources qui alimentent beaucoup de villages de France : nombreuses, elles permettent en effet une vue statistique. À cette fin, on a dépouillé les données de la base en ligne ADES (Accès aux Données sur les Eaux Souterraines), qui concernent environ 70 000 points d’eau à ce jour. Le fluor est un paramètre qui n’est pas toujours dosé, mais une population relative à environ 800 sites a pu être identifiée. Les données correspondantes ont été confrontées à une campagne de mesures faite plus restreinte, mais faite dans un but scientifique (FOREGS, Forum des Services géologiques Européens). Le fluor dans l’eau des nappes phréatiques, comme beaucoup d’éléments, peut tirer son origine de quatre facteurs : des apports atmosphériques par les pluies et/ou les retombées sèches, la perte d’eau des pluies infiltrées, par évapotranspiration, ensuite des apports géologiques, et enfin, des contaminations anthropiques. Le premier facteur se manifesterait dans les données, par un « fond » d’environ 60 μg.L-1, qui ne varie guère à l’échelle du territoire métropolitain. Il pourrait s’agir d’un bruit de fond analytique, mais une origine atmosphérique lointaine, est également défendable. La perte d’eau par évapotranspiration, est surtout sensible dans certains secteurs du domaine méditerranéen (Corse), avec des concentrations en fluor de 0,2 à 1,2 mg.L-1. Un tel caractère évoque les eaux d’Afrique du Nord, où les concentrations élevées en fluor peuvent poser un problème d’ordre sanitaire. Les fortes concentrations en fluor en Corse, sont relevées dans les sources de basse altitude, en général, moins de 500 m. Les apports géologiques sont surtout importants, dans les sources issues de milieux où se trouvent du sulfate de calcium et/ou des argiles fibreuses magnésiennes. Ces caractères représentent la signature géochimique, de lacs sous influence sahélienne ou désertique : le fluor y serait situé dans les argiles, en substitution du groupement oxhydryle (OH). Ces milieux géologiques fossiles seraient en France, ceux du Trias terminal, ainsi que ceux de l’Eocène terminal. Les valeurs peuvent dépasser la limite réglementaire actuelle de 1 000 μg.L-1. Quant aux principales contaminations anthropiques mises en évidence, elles sont de trois types. Le premier est induit par des exploitations anciennes de terrains contenant du sulfure de fer (« cendrières »); l’oxydation de ces sulfures produit de l’acide sulfurique, qui attaque les argiles et libère plusieurs éléments, dont le fluor (jusqu’à 2 000 μg.L-1). Le second phénomène est identique, bien que conduisant à des valeurs en fluor plus faibles (100 à 200 μg.L-1); il s’observe dans les eaux ayant circulé dans d’anciennes galeries de mines, notamment en Lorraine. Enfin, des eaux captées par forage, situées à très basse altitude (moins de 100 m), donc légèrement chlorurées, peuvent être elles aussi riches en fluor (jusqu’à 1 500 μg.L-1). Riches en fer et manganèse, ces eaux portent la signature vraisemblable d’une corrosion de pièces métalliques (tubages, pompes); le fluor serait un résidu de sidérurgie (il est utilisé dans les « fondants »), et serait libéré lors de la dissolution du fer.
Abstract
The present study is an overview of fluorine in spring groundwater in France (W. Europe), information source for data originating mainly from public records and databases. It was based on a selection from approximately 70 000 records (ADES, www.ades.eaufrance.fr), but according to chemical-relevant criteria, as fluorine determination and accuracy, a dataset of 800 relevant items was selected. Several factors (climatic, lithological, and anthropogenic) control geochemistry of fluoride in French spring water. Values as low as 0.4 μg.L-1 were determined in ice cores from Mont Blanc, while a background concentration of 60 μg.L-1 can be estimated from both ADES for springs, and from FOREGS database for stream waters. Evapotranspiration only cannot be held responsible of the gap between these two values; but nevertheless, it probably impacts the geochemistry of fluorine in spring waters. For example in Corsica, values up to 1 000 μg.L-1 are recorded, in a granitic environment, if springs are located below an altitude of 500 m, in an area with the highest evapotranspiration rate in France; In contrast, concentration up to 1 000 μg.L-1 (1 mg.L-1) and more is very often found in springs hosted in late-Triassic and late-Eocene carbonate aquifers. These beds were deposited in a playa-like environment, with nearby deposition of gypsum and magnesium clays. In such an environment, both magnesium clays and carbonate rocks can be F-rich: this element is located in clay as a substitution of (OH) group, and in limestone, can have been co-precipitated with calcium carbonate. Thus, some springs in France carry the reminiscence of former Sahelian lake deposits, and share the same F-enrichment than most groundwater in arid regions. Signatures of fluoride contamination of anthropogenic origin are found in three cases: mine waters (100–200 μg.L-1) or acid drainage (up to 2 000 μg.L-1), and probably steel corrosion in wells (up to 1 500 μg.L-1. In the former, the occurrence of boron anomalies in water (30–50 μg.L-1) indicates the dissolution of clay minerals, induced by the production of sulfuric acid, when iron sulfide oxidizes. In the latter, fluoride should come from hydrolysis of slag minerals (calcium silicates) occurring as traces in steel.
Mots clés : Fluor / eau souterraine / sources / France
© ASEES, 2012